Ce 19 juin 1940, alors qu'avec un copain du quartier, nous flânions boulevard de la gare, il était environ 11h45 ; j'entendis un ronflement d'avions. Levant les yeux, je découvrais une escadrille d'avions se dirigeant vers nous. La sirène d'alerte n'avait pas fonctionné, mais les sifflements et explosions nous donnèrent de l'élan pour rejoindre le garage le plus proche, qui avait une terrasse en béton. De là, nous attendîmes que cesse ce bombardement. Les vingts minutes environs nous parurent très longues... et puis plus rien. L'ennemi rentrait à sa base.
Le coeur battant, nous rentrâmes chez nos parents. Ma mère et mon père étaient rentrés, il ne manquait que ma soeur qui était dactylo à côté de la Place Bonnyaud. Elle arriva 10 minutes après moi. Quand à mon frère mobilisé, il était dans l'armée vers Bordeaux.

Rapidement nous remplîmes deux valises pour rejoindre le moulin de "l'Age" où logeait mon grand oncle, exploitant une petite propriété du Domaine de "La Villatte" en bordure de la ville. Après un frugal repas, nous ne savions que faire. Mon père décida de rester jusqu'à la nuit. Bien lui en pris, car vers 3 heures, l'escadrille revint en mitraillant les maisons de ferme et arrosa une deuxième fois Guéret. Beaucoup de réfugiés se trouvaient à la sortie de Guéret, sur la route de Limoges, et il y eu plus de victimes que dans la ville. Les bombardiers allemands survolèrent la Souterraine, lâchant quelques bombes, mais les cuves d'essence des Ets Picoty ne furent pas touchées. Vers 17 heures la Creuse avait retrouvé son calme, mais il y avait des victimes, dont une voisine, amie de ma soeur, qui travaillait en centre ville de Guéret. Le lendemain, avec mon copain, nous avons visité quelques secteurs qui avaient été touchés. Un certain nombre de bombes n'avaient pas éclaté... Le droguiste Réby, place du marché, qui était dans sa cave avec sa famille et un employé, vit arriver une bombe entière sur le sol... Pas d'explosion ! Quelle chance ! Dans le jardin de la famille Cavernes, deux bombes s'étaient enfoncées dans le sol sans exploser également... Croix de la Mission : deux maisons furent abattues au coin de la rue Monteauciel. Le garage du Service Vicinal touché prit feu, ainsi qu'un autre immeuble sur la même rue. Le Lycée de garçon échappa de peu au désastre ainsi que l'Ecole Notre-Dame et les alentours. Je ne peux citer tout les impacts de bombes mais je me souviens particulièrement du café Dubois, en face du Champs de Foire, la maison fut entièrement détruite, les habitants étaient à la cave, sortirent avec quelques blessures légères.
En 1940, Guéret n'était qu'une petite ville. Les artificiers dégagèrent toutes les bombes non explosées, et les firent éclater dans une carrière du Maupuy.
Mr Cavernes demanda aux militaires spécialisés, de conserver la queue d'une bombe, en souvenir de ce triste 19 juin 1940. Nous ne savions pas que cinq années noires nous attendaient...



Photo des ailettes de la queue de la bombe S.D-50 conservée par la famille Cavernes. Remerciements à la famille Cavernes.

NDLR : Mr Montmartin a eu un très gros problème de santé depuis la rédaction de ce récit. L'ensemble des rédacteurs du blog lui souhaite un bon rétablissement.